mercredi 16 janvier 2008

La honte

Je ne compte plus le nombre de fois où il me fut proposé d'appartenir : les franc-maçons, les clubs nomades type Lion's, des partis politiques, des mouvements, des sectes, des religions, des bandes de voyous. Je fus parfois flatté, parfois tenté, mais fus encore plus persuadé que mon regard sur le monde s'en trouverait perverti, faussé par les influences et ce type de camaraderie aussi j'ai toujours refusé. Pour les deux premiers, au moins, j'en connais dont c'est le rêve d'une vie. Tout comme j'en connais qui adoreraient passer en entrevue, voir à la télévision. Ce livre, l'appel aux médias sont mes derniers recours, j'ai tout fait pour éviter le regard d'autrui sur mon vécu et pour cause, j'ai HONTE :

-HONTE pour ce que j'ai vécu et qui pourrait me faire percevoir par des simplificateurs comme un cas soc.

-HONTE de m'exposer dans l'intimité; ma vie privée ne devrait regarder que moi et quelques intimes. Je ne crois pas à l'exhibition, à la confession publique, celles-ci s'avèrent certainement plus destructrices que curatives.

-HONTE de briser mon idéologie qui va à l'inverse de cette démarche, qui critique l'étalage intime dans les médias, la télé -réalité, le déversement émotionnel autour de l'affaire Bettancourt, du Tchad, le tout sentimental qui a fait perdre la raison des progressistes, le victimaire roi.

-HONTE de ce que pourraient penser de moi, les rares philosophes, écrivains contemporains qui ont mon crédit et sont dans le même type de raisonnement que le mien.

-HONTE de faire cela à mon pays qui en a déjà bien assez sur le dos en ce moment.

-HONTE d'avoir fait cela aux lettres, ce sont des cartons entiers de poésies, de nouvelles, de romans, d'essais, une vie d'écriture qui a renoué avec le classicisme de la littérature que je spolie avec cette parution égocentrique dans la triste air du temps, je ne veux pas être des Moix, Angot, Beigbeder et autres auteurs se prenant comme sujet !

-HONTE d'être perçu comme une victime, vis-à-vis des femmes que je rencontrerais qui penseront à ce passé avant le reste, des amis potentiels qui ne me verront plus comme un de leurs égaux, mais comme un homme violé.

-HONTE de donner à mes ennemis dans la polémique, les débats le bâton pour me faire battre.

-HONTE du scandale que je vais susciter si je passe la censure du silence médiatique.

Casser les pieds des grands ordonnateurs de la bienséance n'est, par contre, pas pour me déplaire, donner des coups de pieds dans les tôles ondulées de la pensée préfabriquée me ravit, fissurer le mur médiatico-politico-judiciaire qui adapte la réalité à un format télé me semble nécessaire. Je vais être utile à une valeur qui compte plus que tout à mes yeux : l'unité nationale. Enfin, je leur promets, si je réussis à faire connaître ce raté judiciaire, ni larmes, ni sueur, ni sang pour paraphraser en le déformant Churchill et ça...

Cette histoire vous semblera bien sordide et elle le fut parfois, mais j'eus énormément de plaisir à me battre seul contre les "puissants" de la justice, des médias, de la politique, riant même parfois de ce combat perdu d'avance. J'eus, tout le long de ma vie, de merveilleuses rencontres, des femmes amoureuses, des amis drôles, des succès professionnels, des voyages qui font rêver, la chance d'avoir une passion, d'être sollicité pour mon écriture, d'avoir des facilités. Et tout ne fait que commencer aujourd'hui, me semble t-il.

2 commentaires:

Élisa Naibed a dit…

Une chose est sûre : vous n'avez aucune honte à avoir de ce qui s'est passé, et auquel vous n'en pouviez mais. (1) Et on ne trouve chez vous aucun victimisme, aucune auto-complaisance à vous cantonner dans un rôle de victime, et encore moins à vous y morfondre.

Vous n'êtes pas dans un rôle de victime. Vous êtes une victime, nuance !


Une victime sans gnangnan, qui a tenté de se reconstruire en dehors du drame qu'elle a vécu, faisant confiance à la société et à ses représentants, dont le pouvoir judiciaire, le soin de vous rendre justice. Un pouvoir qui a failli, comme c'est hélas de plus en plus souvent le cas en France, cette petite patrie auto-proclamée des droits de l'homme, qui n'a que les médias et la « justice » qu'elle mérite, avec e.a. l'affaire al-Doura, l'affaire Fanny Truchelut, et bien d'autres. Et l'affaire Outreau, qui montre à quel dérapages des chtarbés de psys empsychotés arrivent, avec des enfants, manipulables et manipulés. Ou la vôtre, ou des magistrat on décidé, pour faire bonne mesure, de foncer tête baissée dans les errements ...inverses ! Triste pays !

De guerre lasse, vous avez décidé de vous faire entendre par vous-même, quitte à devoir divulguer des morceaux d'intimité et de votre vie privée dans un livre, et ainsi vous exposer. C'est un choix que je peux comprendre et que je respecte, surtout après vos déboires et vos démêlés avec la « justice » de votre pays. Courage ! Tenez bon !

Sur un plan plus intime, vous écrivez votre honte « d'être perçu comme une victime, vis-à-vis des femmes que je rencontrerais qui penseront à ce passé avant le reste, des amis potentiels qui ne me verront plus comme un de leurs égaux, mais comme un homme violé ».

Je ne connais pas beaucoup de femmes qui ne comprendront pas ce que vous avez enduré, ne fut ce que parce que c'est une chose qui pend au nez de beaucoup de femmes, et qu'elles en sont conscientes. Et la plupart comprendront sans que vous ayez à vous justifier, que vous ayez envie de tourne la page, et de vivre une vie d'homme normal. Quand aux hommes qui ne pourraient vous voir que comme un « homme violé », ce sont des beaufs !


(1) j'utilise à dessein cette veille expression car elle exprime à la fois le fait de ne rien y pouvoir, et de ne pouvoir en faire davantage, ce qui me semble bien coller à la situation.

Ludo Lefebvre a dit…

Je vous remercie pour la qualité de votre analyse, de votre prose, de votre humanité !

Il me fut amené de vous lire plusieurs fois sur le blog de cette chère Elisseivna et ce fut un plaisir d'être confronté à votre féminisme juste pour les hommes comme pour les femmes qui ne se pose pas en ennemi du couple et éclairé, votre intelligence, votre lucidité quant à la menace islamique en Europe.

Votre regard extérieur pose une sérénité : -"oui, évidemment, Naibed a raison."

Merci enfin pour ce merveilleux sourire en avatar qui donne envie d'aller vers la vie !