jeudi 17 janvier 2008

Le politico-médiatico-judiciaire

L'affaire d'Outreau devint rapidement un feuilleton judiciaire, c'est à dire une adaptation de la réalité à un format télévisuel. Pour ce faire, il fallut faire d'accusés dans une instruction des acteurs. Les comédiens donc de cette fresque ou frasque eurent un premier temps le mauvais rôle, celui du méchant. Juge d'instruction et procureur s'enfoncèrent dans cette dérive orientant l'instruction en ce sens, faisant fi de décharges évidentes ( l'impossibilité matérielle pour certains d'être en deux lieux au même moment, handicapé mental inapte à faire ses lacets enfonçant un objet mou comme une baguette de pain dans la partie intime des enfants Delay-Badaoui...) . Les journaux avaient enfin leur réseau pédophile, de quoi rivaliser avec la tragique histoire Dutroux de nos voisins belges... chouette !
Lynchons, lynchons, qu'une morale impure abreuve nos sillons, chantaient déjà les révolutionnaires de la morale. Il n'y avait ni antisémite réel ou supposé, ni réactionnaire à se mettre sous la dent, la faim vengeresse commençaient à se faire sentir.
Ils n'étaient pas notables, mais rmistes, ouvriers, chauffeur de taxi, infirmière scolaire mais ils fallaient qu'ils le soient... ouf, il y eut un huissier (notable et sale type par définition) !

Les assises survirent et alors qu'ils étaient déjà condamnés par la presse donc par la vox populi qui est toujours si prompte à faire confiance, c'est à dire aussi par la justice républicaine assurément, il s'avéra rapidement que la fin réelle fut différente de la fin du feuilleton, ils furent acquittés... pas de bol !

Que cela ne tienne, l'affaire n'en eut que plus de retentissement. Les accusés à tort reprirent rapidement leur place de prolos (il ne faut jamais défendre de notables, du moins ouvertement). Ces pauvres gens modestes furent victimes, non de la presse et son brouhaha, mais d'un légiste et un seul : le jeune juge Burgaud. Si le casting ne changea en rien, ce fut les rôles qui furent bouleversés, le scénario qui fut réécrit : les monstres devinrent des anges comme dans les tournois de catch américain où le tueur psychopathe est touché par la grâce et n'assomme plus à coup de strapontin ses adversaires, mais revêt de façon inattendu une cape argentée pour aller punir ses anciens complices de tout le mal qu'ils continuent de commettre. Et voici les prix littéraires qui pleuvent, les propositions de film, d'emploi à la télé qui arrivent, les rmistes à bac moins cinq sont maintenant présentés comme des étudiants (en quoi ? Ce n'est pas précisé.)
Les politiques courent et accourent, c'est bientôt l'élection présidentielle donc ils sont émus, révoltés, empreints de justice... c'est la saison ! Les indemnités allouées sont exorbitantes, le président et le premier ministre les reçoivent, les plateaux télé et autres journaux les reçoivent au quotidien, la justice est mise à l'indexe... brave affaire d'Outreau. Au niveau local, il faut redorer l'image de la ville, plus d'affaire de pédophilie, les suivantes seront systématiquement suivies d'un non-lieu, à peine condamne t-on une famille de débiles pour pas que cela ne devienne trop visible, quand même. Les héros de l'aventure judiciaire, les nouveaux Dreyfus sont accueillis avec une fanfare, on fait venir une autre héroïne populaire et populiste : Loanna. Aubenas se libère de ses obligations irakiennes, sort un livre.
Ce n'est pas suffisant, il faut une commission parlementaire pour faire semblant de changer en profondeur les tares de notre justice, la principale invité est la caméra, on émotionne, engueule, invective, les larmes sont sur les joues des élus, d'anciens garde des sceaux découvrent ce jour là que la justice n'est pas juste. Il y a un coupable : le juge Burgaud, s'il se défend un peu, mais pas trop il aura le droit à une promotion, les dizaines d'autres acteurs de cette bévue sont absous y compris et surtout les journalistes qui n'ont pourtant cessé de souffler sur les braises pour qu'elles ne s'éteignent surtout pas : le billot n'est que pour Fabrice Burgaud.

Il reste de ce marasme des enfants qui furent véritablement abusés par leurs parents, qui ont menti pour faire plaisir à maman et qui furent traités d'enfants fous (avec des parents pédophiles qui torturent, il y a peut-être un peu de quoi !), voici ce que devient la compassion politico-médiatico-judiciaire lorsque vous n'êtes pas le héros du film, que vous ne pouvez être utile à un magazine ou une élection.

Aucun commentaire: